jeudi 14 novembre dès 18h
Divine Chromatie :
structure formelle et narrative
Composée de 33 toiles, la fresque géante de 360 x 1100 cm intitulée Divine chromatie propose une illustration à grande échelle du récit de la Divine comédie de Dante. Les volets de l’Enfer, du Purgatoire et du Paradis occupent neuf peintures chacun (en bloc de trois sur trois), reliés entre eux par deux seuils verticaux intermédiaires composés de trois panneaux.
Prenant le contrepied des représentations classiques figurant des cartographies en cercles ou en cônes, le travail de Philippe Fretz s’appuie sur un déroulement linéaire, structuré par un enchaînement en terrasses. L’Enfer est à gauche, le Purgatoire à droite et le Paradis au milieu ; la composition architecturale en « z » est similaire pour chaque partie. Cette construction récurrente associe les différents royaumes et suggère, par l’effet de répétition, la notion de cycles infinis. Les seuils sont quant à eux élaborés par une symétrie verticale, dégageant une superstructure en diamant. Sa pointe, située au centre de la rangée supérieure du Paradis, est figurée par le cercle chromatique de synthèse additive ; la synthèse soustractive marque la pointe opposée, sur la rangée inférieure. Le périmètre du diamant est ponctué par une série d’arbres représentés de façon systématique à la charnière de certaines toiles. Le Paradis, source de lumière divine et physique, occupe le centre du diamant. Cette forme relève également de la réunion du module de base de nombreux motifs géométriques de la composition globale, le triangle. Symbole du Purgatoire et de l’Enfer lorsqu’il est renversé, on le retrouve notamment sur le dallage au pied de chaque terrasse. En outre, deux fleuves marquent des lignes de force horizontales, parcourant la fresque à l’intersection des trois rangées.
Hic & Nunc
Une géographie revisitée de Genève s’intègre aux espaces traversés par Dante et Virgile et se superpose au récit du poète, qui envisage le Paradis comme un espace transitoire plus qu’un lieu physique. L’image du Paradis comme cité littérale fait appel à la définition théologique de la demeure de Dieu tirée du Livre de l’Apocalypse. Nommée Nouvelle Jérusalem ou Jérusalem Céleste, elle prend la forme d’un cube. Une série de trois peintures antérieures de Philippe Fretz consacrée à cette thématique réapparaît dans la Divine chromatie dans le tiers supérieur du panneau central de chaque royaume. La première, dans le volet de l’Enfer, surplombe le bâtiment de l’Usine Kugler, lieu de l’atelier de l’artiste. La deuxième s’affiche sur la façade de l’espace d’exposition Halle Nord. La dernière occupe, dans la partie du Purgatoire, un édifice en bois faisant référence au chalet d’enfance de Fretz à Villars, seule occurrence d’une localité hors Genève.
Plusieurs éléments du paysage genevois se déploient au fil du Rhône et de l’Arve qui prennent la place du Léthé et de l’Eunoë du récit de Dante. Entre l’île Rousseau tout à droite du deuxième étage en terrasse du Purgatoire, à l’Usine et au Bâtiment des Forces Motrices dans le panneau central du seuil gauche, se retrouvent, entre autres, la Tour Bel Air, le quartier des banques, la synagogue, le pont Wilsdorf, l’ancienne caserne et la patinoire des Vernets. En intégrant l’architecture de sa ville, Fretz opère un glissement vers le moment présent, étayant sa propre définition du Paradis dans l’ici e maintenant.
Le parcours
Le grand voyage de la Divine comédie se raconte à travers une partie de golf. Le swing de départ, qui marque le début du parcours à travers les terrasses ornées de terrains de golf, et le neuvième trou, veillé par Béatrice, se répondent de part et d’autre de la ligne supérieure du Paradis. Dante démarre son aventure à la suite de sa rencontre avec Virgile qui devient son caddie, représentée sur la peinture centrale du seuil gauche. Les deux poètes zigzaguent en Enfer du panneau supérieur gauche à l’inférieur droit. Après avoir rencontré Lucifer, ils empruntent un tunnel aboutissant au Purgatoire qu’ils remontent en colimaçon jusqu’au Paradis terrestre. De là, une procession marquée par un ruban arc-en-ciel emmène Dante jusqu’au premier Ciel du Paradis, dont il fait l’ascension en lacets. La partie de golf et ainsi l’odyssée s’achèvent sur les premier et deuxième volets du seuil droit.
Divine chromatie est une cartographie du périple de Dante ; sa construction, à la fois rigoureuse et ludique, évoque entre autres le jeu de plateau et le théâtre de mémoire, inscrivant l’oeuvre dans une pluralité de traditions narratives et structurelles. Elle invite le spectateur à entamer à son tour un voyage, de la Renaissance au présent, de Florence à Genève, de la poésie à la peinture.
Stéphanie Lugon
AGENDA - DATES SPECIALES
Visites guidées :
samedis 16 et 30 novembre à 17h par Philippe Fretz
vendredi 6 décembre à 18h par Jacques Siron à la lampe de poche « Codex Dante Fretz »
Présence de l’artiste, les samedis 30 novembre et 07 décembre de 14h à 18h.
En parallèle :
Philippe Fretz, Jérusalem
02 - 23 novembre 2019
Le Salon Vert Carouge
https://www.salonvert.ch/
EDITION
Divine Chromatie est également un projet de livre d’art édité chez art&fiction où se déploient une centaine de reproductions basées sur ce travail de peinture.
Il contient un texte original du philosophe et dramaturge Fabrice Hadjadj, une étude sur la lumière chez Dante du maître de conférence Didier Ottaviani et une analyse structurelle et narrative de l’historienne de l’art Stéphanie Lugon. Sa parution est également prévue pour le 14 novembre 2019, jour du vernissage de l’exposition Divine Chromatie.
mardi - samedi : 14h/18h