Xavier Cardinaux
21.10 — 12.11.11
Xavier Cardinaux : seconde nature
Les oeuvres de Xavier Cardinaux évoquent un univers végétal et floral de jardins, parcs et sous-bois, qui n’aurait pas déplu aux paysagistes du Quattrocento, ni à un Monet, un Cézanne ou un Matisse. Cette énigmatique relation entre la nature et l’artiste, ravivée par plusieurs mouvements du 20ème siècle dont l’Arte Povera et le Land Art, demeure, encore aujourd’hui, l’un des principaux terrains d’expérimentations en matière d’art contemporain. Pour Xavier Cardinaux, la nature est depuis longtemps emblématique de son travail pictural car, plus que d’autres, ce thème évoquant le cycle de la vie cristallise toutes les difficultés de l’être, le redoutable face à face du sujet avec la matérialité terrestre. « Autrefois, j’avais le respect de la nature. Je me mettais devant les choses et les paysages et je les laissais faire. Fini, maintenant J’INTERVIENDRAI », écrit Henri Michaux (Mes Propriétés, 1929). Cette pensée montre que l’art actuel, vise davantage à transformer le réel en une expérience intérieure, processus à travers lequel la peinture se vit comme une aventure, un engagement. A cet égard, le style de Xavier Cardinaux adopte un langage à mi-chemin entre figuration et abstraction ainsi que des techniques classiques, comme l’huile sur toile, les encres, la mine de plomb ou l’aquarelle, tout en introduisant dans certains travaux des technologies modernes, notamment l’informatique. C’est que l’artiste aime conférer une certaine dose d’instabilité dans l’ordre artistique et pictural, une idée qu’il résume en disant : « l’harmonie est un moment privilégié du chaos ». Aussi sa peinture, souvent des grands formats diptyques ou triptyques, offre-t-elle des compositions dans lesquelles les motifs de la graphie naturaliste semblent immergés dans des masses colorées épaisses, comme emportés par une sorte de vague chromatique, ce qui confère à l’ensemble un mouvement aléatoire et vibratoire. Par un cadrage très rapproché, Xavier Cardinaux construit des séquences paysagères où figurent arbres, branches, feuilles, fleurs, légumes ou petit être protozoaires, évoluant en symbiose avec les éléments eau, terre, air. Ces territoires évoquent des espaces de jardins, des forêts primitives, des fonds marins, autant de lieux à la fois édéniques et génésiques, mais dont la signification n’obéit pas à une logique narrative. C’est en effet sur le mode du symbole visuel ou de la métaphore plastique que l’artiste nous plonge dans la sensibilité du monde vivant. Que ce soient les textures épaisses, les brossages et grattages, la profondeur des couleurs, le dynamisme du trait, l’explosion des taches et coulures, les luminosités vives et sourdes où s’allument parfois des scintillements dorés ou des larmes cristallines, tout se conjugue pour amener le spectateur, toujours en quête d’étonnement, dans une dimension onirique où la nature dévoile sa réalité botanique, zoologique et philosophique.
Françoise-Hélène Brou