Capsule 1.38

Claude-Hubert
Tatot

Capsule 1.38

09.06 — 30.06.17
Vernissage: 

Jeudi 8 juin, 18h

Art et décoration

Au « tu voudras faire quoi quand tu seras grand ? » j’ai très tôt et longtemps répondu chanteur ou décorateur. Les vedettes noir et blanc du petit écran, Maritie et Gilbert Carpentier forment l’envie. Mais d’où me vient le goût du décor dont Loti dit que rien n’est plus urgent que lui ? Comment ai-je pu comprendre cette nécessité ? Vouloir en faire métier ?

Roger art au théâtre ce soir ?

A Ecuisses pas de décor ou par inadvertance alors. Pas de nids à poussière, les poils de chiens et l’humidité noircissant les soubassements suffisaient. Tout au plus une biche et ses faons en plastique floqué violet cadeau de Bergère de France. Ma mémé maternelle préférait tricoter plutôt qu’épousseter. Elle était femme d’action pas de dedans.

Chez ma grand-mère paternelle, il fallait mettre les patins sur le parquet, intérieur de fonctionnaire ripoliné. Sur le frigidaire napperon plastique blanc opaque qui colle jaunit et fait rouiller l’émail du dessous. Dessus un gros réveil rond aux chiffres aussi fluorescents que la sainte vierge accrochée à un demi rondin de bois verni, rapportée par la voisine de Lourdes et accrochée au-dessus de mon lit.

Sur le buffet de la salle à manger, sept épis de blé porte bonheur et du buis béni dans un vase en verre moulé topaze flanqué de deux plus petits, plus modernes, souvenirs de Murano, émeraude et rubis avec monnaie du pape et immortelles du jardin, tout figé hors d’âge, symétrie sur marbre, cimetière.

Sur la table de chevet une perdrix aubergine en papier mâché avec vraies plumes en panache, une coupe feuille de platane incrustée dans du plâtre gouaché jaune, bricolages acquis à la fête des écoles et sur le dessus de lit une grande poupée de foire à l’ample robe à volants rouge et blanc au crochet généreusement étalée.

Seule la Tatie Mado qui achetait la pléiade au mètre et par ordre alphabétique exposait en citadine parvenue quelques raretés. Monumental perroquet en céramique et clown en verre de Venise, peintures de fleurs à l’huile sur carton et surtout doubles rideaux en damas de Lyon rouge, vert et violet assortis aux dessus de lits changeant suivant la saison.

Mais surtout de grandes glaces sans cadre, juste biseautées parce que ça agrandit les intérieurs.

Il y avait bien encore en bas de chez elle, place des Célestins la belle boutique Epsilon, devanture vert wagon, presque noire, larges vitrines aux mises en scènes soignées d’étoffes, d’objets et de petits meubles. Le patron « en était » évidemment, un homme charmant, avec du goût. Ma Tatie Mado a lavé et repassé ses chemises bien après la fermeture de sa blanchisserie. Il lui donnait quelques catalogues d’échantillons. La tatie ne cousait pas, j’en héritais, prémices d’une collection d’étoffe, j’en garde encore quelques coupons.

Que l’on s’en fiche franchement, que l’on s’en occupe pour faire genre, le décor était accessoire. Alors né par défaut mon goût pour les objets ? Pour faire l’intéressant ?

Avant le vintage, avant de voir Arman j’ai accumulé des choses de peu, démodées, reléguées au grenier, chinées, sauvées de la décharge.

J’achète et récupère à l’excès depuis presque toujours et encore à contretemps si bien qu’à force c’est chargé. Comme Victor Hugo, je superpose les meubles sans souci d’époque. Je fais mon musée à la Bouvard et Pécuchet avec les moyens du cousin Pons. La mode m’ennuie, jeter me dégoute, le capharnaüm hétéroclite, pas toujours de bon goût me plait. C’est le bazar ! Big bazar bigarré.

Historien d’art je collectionne tout et surtout n’importe quoi, sauf les œuvres d’art. Celles qui sont offertes sont d’autant plus précieuses, ont une place à part, dictent l’ordonnancement des autres choses. Si bien que, avant l’exposition de John Armleder au Centre culturel suisse à Paris déléguée à Garcia, avant Art Tempo au Palais Fortuny à Venise art et décoration font chez moi bon ménage.

Mettre tout ça en vitrine, comme le service en cristal de noces dans celle de la desserte, c’est comme mettre Paris, qui ne s’est pas fait en un jour, en bouteille.

La Capsule de Halle Nord, donnant sur l’extérieur met  au jour l’esprit de ce plaisir d’intérieur jusqu’alors solitaire d’ajout et d’ajustement, grand jeu de trouvaille, d’association et de patience, passe-temps du regard sans fin.

Horaires: 

24h/24h depuis le passage des Halles de l'Île