Candy Island

Paul
Hutzli

Candy Island

16.04 — 15.05.21
Vernissage: 

Ouverture jeudi 15 avril entre 14h et 18h

« Sophie a conservé les goûts propres de son sexe : elle aime le laitage et les sucreries ; elle aime la pâtisserie et les entremets, mais fort peu la viande »
Émile, J-J Rousseau

 

 

À Genève, Rousseau penseur de la nature et du bon sauvage a son île. Son bronze, par Pradier y trône, à l’antique. Cet îlot entre deux ponts est plus urbain que les archipels où Gauguin, adepte du cloisonnisme, chercha l’authentique exotique. Ce vestige de fortifications sur le Rhône attire les oiseaux. Un panneau indique au néophyte les espèces à voir.

C’est précisément là que Paul Hutzli est venu chercher ses motifs. L’eau, le ciel, les oiseaux, croqués sur le vif comme jadis les paysagistes, pour être transcrits, transposés quelques mètres plus loin, sur une autre île, celle des halles. 

À l’intérieur de Halle nord, il construit un espace clos, dont la forme s’inspire du fortin formant l’île Rousseau. De la grande vitrine qui donne sur le passage le visiteur ne voit qu’une sorte archi-sculpture post-minimale. Il faut entrer dans cette chambre pour être enveloppé par la lumière, les couleurs et les images, retrouver le Rhône, qui d’ailleurs coule juste en dessous, et ses oiseaux. 

Ce panorama transparent, coloré et cloisonné n’est pas une peinture, c’est un vitrail rétroéclairé comme les enseignes et les caissons lumineux pour cibachromes. En fait, cela a la coloration et la transparence du vitrail mais sans verre ni plomb, c’est en sucre. Une déclinaison atypique, artisanale, art and craft sans faire confiserie qui joue avec les ersatz propres aux bricolages enfantins. Hutzli n’en est pas à son premier usage de faux, fausses chaises mais vraies sculptures en papier mâché peintes en faux bois, fausse toile et faux white cube eux aussi en papier mâché. Cet usage d’un matériau de peu, carton-pâte pour décor qui demande du savoir-faire pour bien en mimer un autre n’est pas sans humour ni retournement.

Tout comme l’île qu’il dépeint, ce vitrail n’en est qu’une apparence et constitue un prolongement de la peinture. Couleurs en couches, transparences et aplats, résille abstraite enchâssant des panneaux figuratifs dont elle prend les tons sans cerner les sujets, technique de coulage qui impose ses simplifications, tout relève de préoccupations picturales. Plus fondamental encore pour l’art ce travail questionne le vrai du faux, la réalité de l’illusion.

Chapelle profane presque nabi, sujet presque art nouveau, cet espace fermé, fenêtres ouvertes sur un îlot de nature sur-éclairée artificiellement a le goût de l’enfance. Un soleil au rayon en flammes jaune, un champignon au chapeau rouge parsemé de points blancs, la structure en bois qui découpe de grosses formes façon premier puzzle concourent à cet appel, celui du sucre et du souvenir, celui des origines, du temps de l’authentique et de la beauté des jours ensoleillés. Candy Island mêle l’île aux enfants au pays de Candy en grand écran. C’est un paradis forcement artificiel plus vrai que nature, une quête de l’authentique par le faux, une illusion vraie. 

Claude-Hubert Tatot

 

 

Avec le soutien de la Fondation Bea pour Jeunes Artistes et du Fonds cantonal d’art contemporain, DCS, Genève

 

Visuel : Brigida Bocini

 

 

Horaires: 

mardi - samedi : 14h / 18h